Projections-débat avec Utopia : "Rien à perdre" et "La Journée de la jupe"

Publié le par CCIE

« Rien à Perdre » (De Jean Henri Meunier)

Séance unique en avant première Jeudi 19 Mars à 20h30.

 

Rencontre avec Pascal Fauvel (CASA), Martine Gras (Collectif contre les Inégalités et l'Exclusion), et Fabrice Maniaci (Les Enfants de Don Quichotte).

 

Le Film (Interview : Jean-Manuel Escarnot, « Libération ») :

Un SDF sur les écrans de cinéma : une toile pour un toit
Jean-Henri Meunier, 58 ans, réalisateur du film «Ici Najac à vous la terre» sélectionné à Cannes en 2006 et pour les Césars en 2007, vit à Toulouse depuis deux ans. L'hiver dernier, il a suivi, caméra à l'épaule, quelques-uns des SDF du campement des Enfants de Don Quichotte installés sur les allées François Verdier.

Résultat : un documentaire façon road movie et sans commentaires intitulé «Rien à perdre».

Le cinéaste «élevé à la musique des Doors et aux textes d'Henry Miller et de Kerouac» qui avoue avoir commencé à «faire du cinéma pour échapper à l'usine et ne pas devenir prolo comme (son) père»


Libé Toulouse : Qu'est-ce qui a inspiré ce film dont le héros est un SDF ?

Jean-Henri Meunier : Une rencontre avec un SDF, justement. Un dénommé Fakir croisé rue du Taur. Il se baladait son sac sur le dos avec une coupe sportive à la main en criant à la cantonade : «j'ai 43 ans aujourd'hui, je suis SDF mais je m'en fous. Ce soir je vais faire la fête !». Il est passé devant moi. Je l'ai rattrapé et nous sommes allés boire un verre ensemble.

Huit jours après, je l'ai revu sous le Pont Neuf. J'avais ma caméra avec moi car je pensais faire un film sur Toulouse. J'ai commencé à le filmer. Il y avait beaucoup d'humanité dans ses yeux. Une semaine plus tard il faisait la grève de la faim avec d'autres SDF devant le Capitole pour protester contre le harcèlement de la police municipale.

Début janvier 2007, je l'ai à nouveau retrouvé sur le campement monté par les Enfants de Don Quichotte sur les allées François Verdier. Je me suis retrouvé à le filmer lui et d'autres pendant les 5 mois et demi de leur occupation. A partir de ce moment là, je ne pouvais plus faire autre chose. Je suis comme ça. Je me laisse embarquer par les gens. Ce qui m'intéresse c'est le chemin que je parcours avec eux plutôt que le but à atteindre.

 

Qui sont les SDF de «Rien à Perdre» ?

Jean-Henri Meunier : Quand on dit SDF cela ne veut rien dire, car ce terme sous entend des cas de figures et des parcours individuels différents. Sur le campement des Enfants de Don Quichotte, il y avait des individus très jeunes en rupture sociale pour qui c'était juste un moment de vie avant de rentrer dans le rang.
Et puis il y avait les plus nombreux pour qui le fait de se retrouver la était dû à un accident de parcours. Ce sont des monsieur et madame tout le monde qui d'un coup accumulent les galères : la perte de leur emploi, un grave problème familial, un divorce et qui finissent par se retrouver à la rue très vite. Ils sont représentatifs de la société dans laquelle nous vivons.
De la même manière que tous les SDF ne sont pas alcooliques ou drogués, il n'y a pas de SDF type. L'époque des clochards célestes et des routards de la «beat génération» est terminée.

 

Il n'y a aucune violence dans vos images. C'est un choix   ?

Jean-Henri Meunier : J'ai volontairement zappé plein de choses dans la vie du camp des allées François Verdier notamment les bastons, les tensions, les mecs défoncés. La plupart du temps c'est à cela que les médias s'intéresse. Je ne voulais pas apporter de l'eau à ce moulin. J'ai voulu monter des gens qui ne méritaient pas d'en être arrivés là et qui se battaient pour obtenir un logement décent. En cela mon film est un parti pris qui n'est pas représentatif des Enfants de Don Quichotte.

 

Quel regard portez-vous maintenant sur la société française ?
Jean-Henri Meunier :
Cette société est très individualiste, elle est écoeurante. Les écarts entre les gens sont trop grands. Quand je vois les salaires des footballeurs qui sont payés des fortunes pour jouer à la baballe et quand j'entends qu'on augmente le SMIC de 1 ou 3 pour cent cela me révolte. Jusque où cela va t-il durer ? Quelle est la goutte d'eau qui va faire déborder le vase ?

Plus largement, le côté vicieux de notre système capitaliste est qu'il distribue des miettes qui permettent de maintenir la chappe. Le RMI, la CMU sont des pansements qui permettent que ça n'explose pas trop. Pour l'instant, les gens n'ont pas assez faim pour tout foutre en l'air mais ça peut venir.

Ce film illustre vos intentions militantes ?

Jean-Henri Meunier :
Son but en tout cas était d'essayer de toucher le plus de gens possible. D'aider à éveiller les consciences. En même temps je ne me fais pas d'illusions. Ce ne sont pas les artistes qui déclenchent les révolutions.

 

Le Débat : Nous aborderons les problèmes que traversent actuellement l'association CASA (L'ignorance des autorités, un budget incomplet et précaire, l'avenir de la Halte de Nuit, la volonté de trouver un emplacement fixe et durable pour l'hébergement des sans-abri...).

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« La journée de la Jupe » (De Jean-Paul Lilienfeld, avec Isabelle Adjani)

Vendredi 27 Mars à 20h.


 

Rencontre avec le Collectif « Non à la fermeture, oui à la reconstruction du Collège Giéra »

 

Le Film (Texte : Gazette Utopia) :

Formidable Isabelle Adjani ! Époustouflante dans la peau d'une prof de LEP au bord d'imploser d'exaspération et qui se retrouve, par un concours de circonstances totalement imprévisible, à prendre ses élèves en otage (Adjani a déjà reçu un Globe de cristal pour le film et moult ovations aux festivals de La Rochelle et de Berlin)...
Ce jour-là était pourtant un jour comme plein d'autres dans la vie de Sonia Bergerac, enfin pas tellement pire sinon qu'en plus de l'ordinaire, sa vie affective part en capilotade et lorsqu'elle se pointe en retard devant la porte de sa classe, elle est complètement à cran pour affronter la bande d'agités impertinents à qui elle doit enseigner des lettres françaises dont ils n'ont vraiment rien à faire... Une salle de classe sinistre dans un collège gris d'une banlieue grise : ghetto dans un ghetto où les profs ne savent pas par quel bout prendre les choses tandis que le proviseur tangue entre les directives rectorales et la réalité qui part dans tous les sens. Écartelés qu'ils sont entre la théorie et la pratique, le désarroi général des tenants de l'autorité nourrit le désordre, de même que le caractère inadapté de l'enseignement lui-même. On est dans le dialogue de sourds et le refus de la culture de l'autre à tous les niveaux... alors Molière dans ce contexte là !

Il y a un grand garçon parmi les élèves qui se la joue plus que les autres, ramène sa fraise à tout propos... et c'est l'incident de trop : la prof tombe sur le flingue qu'il cache dans son sac et, dans l'agitation et les invectives, elle se retrouve sans savoir trop comment avec le pétard au bout des doigts, à menacer les élèves, au bord de la crise de nerf, ne supportant plus ces perpétuels échanges chargés de rancoeur, de haine, de violence. Dans une improvisation sous tension, elle boucle la salle de classe, regroupe les élèves dans un coin, et commence un cours ahurissant, où vérités douloureuses et non-dits déferlent, obligeant chacun à revoir sa vision des choses...
Dehors, ça commence à s'agiter ferme : on croit dans un premier temps que l'auteur de la prise d'otages est un élève, on n'imagine pas une seconde que la prof, habituellement stressée mais tranquille, tient en joue toute sa classe... Du côté des flics, GIGN, ministre, journalistes, profs... les conflits vont aussi bon train, impossible là encore d'établir une stratégie claire tant les gens sont embourbés dans leurs rivalités, leurs problèmes familiaux, leurs plans de carrière... l'histoire ne cesse de prendre de l'ampleur... Pendant ce temps la prof s'installe dans une situation de rupture, parfaitement consciente des difficultés des gamins mais refusant toute complaisance : « l'école ne vous apportera peut-être rien, mais elle est votre seule chance. Sans la connaissance, vous êtes foutus... »

C'est drôle par moments, et on jubile sous l'effet ahurissant des situations, des réparties... On voudrait que ça se termine bien, parce qu'on reçoit cinq sur cinq l'exaspération de la prof autant qu'on comprend les élèves et combien il a fallu d'années d'aveuglement et d'indifférence pour ne pas voir que les politiques de la ville autant que celles de l'éducation conduisaient à une foutue impasse où tout ce monde-là se retrouve piégé. La Journée de la jupe n'a rien de consensuel ni d'angélique. Le film est un cri d'alarme salutaire qui fait état de la situation de blocage extraordinaire, d'impasse sociale dans laquelle notre société se retrouve faute d'avoir su poser les problèmes au bon moment, d'avoir accepté de regarder les choses en face quand il aurait fallu... et maintenant il est grand temps !

 

Le Débat : En plus des problèmes de réaménagement du territoire et d' économie financière (un collège en moins), en quoi les élèves seront-ils mieux lotis, mieux aidés, mieux éduqués dans un autre établissement ?

Pourquoi aujourd'hui (et si rapidement) y a-t-il nécessité de prendre soin de ces jeunes générations dans un quartier si longtemps laissé à l'abandon et sans moyens suffisants ?

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Les projections-débats sont prévues au Cinéma Utopia Avignon "Manutention" : 4 Rue des escaliers Ste Anne, 84000 Avignon.

Tel : 04 90 82 65 36, Site internet : cinemas-utopia.org

 

Publié dans Activités

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